Avertissement : la Cour de cassation n’est pas un « remède miracle », et si votre dossier n’est pas bon et que vous perdez les frais de justice peuvent être lourds. Mais cela reste le moyen légal le plus efficace pour faire respecter les principes du Droit familial.

De plus, si vous voulez porter votre affaire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, il vous faudra d’abord impérativement avoir épuisé toutes les voies de recours (et en invoquant tous vos arguments) en France, dont la Cour de cassation.
Pour en savoir plus sur la saisine de la Cour Européenne des Droits de l’Homme: Cliquer ICI, dans la rubrique: « Je veux introduire une requête : quelles sont les conditions ? »


I) L’intérêt d’aller en cassation illustré par deux exemples:

Constat : ce qui manque cruellement, en matière familiale, ce sont des décisions de la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, qui seule pourra, petit à petit, donner un cadre aux pratiques disparates des JAFs et des Cours d’appel amenées à statuer en matière familiale. Avant d’arriver à ce recours « ultime » », il faudra donc avoir eu un jugement du JAF, dont vous aurez fait appel, et si l’arrêt de Cour d’appel ne vous satisfait pas alors vous pourrez faire un pourvoi en cassation.
Le problème, c’est que les parents séparés/divorcés sont épuisés moralement et financièrement, après être passés par le JAF et parfois par les Cours d’appel. Pourtant, un pourvoi en cassation peut être très utile.

EXEMPLE1 :
c’est grâce à un père qui a eu la ténacité d’aller en cassation, qu’a été rendu l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2006 n°05-17883, qui pose des principes applicables et utiles à tous en cas d’Eloignement Géographique Volontaire (EGV).
Grace à ce père, et grace à cet arrêt de la Cour de cassation, toutes les personnes qui se retrouvent dans cette situation courante d’EGV peuvent invoquer cette jurisprudence. Par contre, si ce père n’avait pas eu le courage d’aller en cassation, il en serait resté avec une décision de Cour d’appel qui lui était fortement défavorable. Pour en revenir brièvement à cet arrêt, que je détaille dans un autre billet sur l’EGV, retenez en que la
Cour de cassation, impose aux JAFs de rechercher si le parent gardien qui déménage avec les enfants, n’avait pas pour but réel de faire obstacle aux liens entre les enfants et leur autre parent: CLIQUER ICI POUR LIRE l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2006


EXEMPLE2:
La Cour de cassation casse un arrêt de Cour d’appel rendu en matière familiale, comme étant insuffisament motivé: il faut en effet bien distinguer une  réelle
motivation et de simples affirmations: la motivation tient de la démonstration, de l’explication, ce qui est bien différent de simples affirmations qui ne comportent pas de justifications.

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 14 mars 2006 N° de pourvoi: 05-14696: CLIQUER ICI POUR LIRE CET ARRET SUR LEGIFRANCE
« Sur le moyen unique pris en ses diverses branches :
Vu l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que Mme X… et M. Y… ont eu deux enfants dont la résidence habituelle a été fixée chez leur mère par une ordonnance du juge aux affaires familiales du 2 novembre 2000 ; que le 31 mars 2003, M. Y… a sollicité la fixation à son domicile de la résidence habituelle des enfants ou à défaut la mise en oeuvre d’une garde alternée aux motifs qu’il existait des éléments nouveaux justifiant l’une ou l’autre de ces mesures ;
Attendu que pour débouter M. Y… de sa demande de fixation de la résidence habituelle de ses enfants mineurs à son domicile, l’arrêt énonce qu’après analyse des pièces du dossier et des éléments des débats, l’audition des enfants n’est pas utile, que la première enquête sociale déposée le 18 août 2000 n’en nécessite pas une seconde, qu’il n’y a pas lieu à garde alternée qu’en fixant la résidence des enfants au domicile de la mère, le juge aux affaires familiales a pris une décision adaptée à la situation décrite et qu’enfin il n’y a pas d’éléments nouveaux justifiant la modification de la décision déférée
Attendu qu’en statuant ainsi par de simples affirmations ne constituant pas une motivation permettant à la Cour de Cassation d’exercer son contrôle, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 février 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble, autrement composée;
condamne Mme X… aux dépens ;Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, déboute M. Y… de sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille six. Décision attaquée : cour d’appel de Grenoble (chambre des urgences) du 8 février 2005


II) Même en matière familiale on a intérêt à se pourvoir en cassation:


On dit parfois que le recours à la Cour de cassation est impossible ou inutile en matière familiale pour les questions de garde des enfants, parce que la Cour de cassation ne peut pas réexaminer les faits de votre dossier. Il est vrai que la Cour de cassation ne juge que le droit et ne revient pas sur l’appréciation des faits, mais cela ne fait pas obstacle à l’intérêt d’aller en cassation.


1/ La Cour de cassation ne juge pas les faits mais elle apprécie si les règles de Droit ont bien été appliquées:

Cependant en pratique, la distinction entre le droit et le fait reste souvent délicate, d’autant que, à travers le contrôle du manque de base légale ou celui des qualifications, la Cour de cassation est souvent conduite à jeter un regard sur les faits.

En effet, même si les décisions des JAFs et des Cours d’appel en matière familiale se fondent principalement sur la notion d’intérêt de l’enfant. qui est une notion de fait qui relève de l’appréciation dite « souveraine » des JAFs et Cours d’appel, il y a cependant des critères légaux d’appréciation qui s’appliquent. Par exemple, certains de ces critères sont fixés par l’article 373-2-11 du Code civil:

«  Lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :
1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;
2° Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;
3° L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;
4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;
5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12. »

Si la Cour de cassation estime qu’un de ces critères légaux pour déterminer la résidence de l’enfant, n’a pas été respecté par la Cour d’appel, elle peut casser l’arrêt de la Cour d’appel et votre affaire sera alors renvoyée devant une autre Cour d’appel (ou la même Cour mais autrement composée) pour être jugée conformément à la décision prise par la Cour de cassation.


2/ La Cour de cassation vérifie la qualité de la motivation des décisions, ce qui sans être un nouvel examen des faits, permet au moins de faire respecter l’obligation pour les Cours d’appel de répondre à tous les arguments invoqués.

en effet, un autre moyen qui peut être soulevé devant la Cour de cassation, c’est l’insuffisance de la motivation des décisions rendues. Il ne suffit pas qu’une Cour d’appel dise que l’intérêt de l’enfant est d’être avec son père (par exemple), pour qu’on puisse considérer cette décision comme motivée. La Cour d’appel doit motiver, c’est à dire expliquer pourquoi l’enfant sera mieux avec un parent plutôt que l’autre.

Pour information: Article 455 Code de procédure civile: « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. »

Un exemple d’arrêt de la Cour de cassation, qui casse un arrêt de Cour d’appel pour motivation insuffisante, est donné ci-dessus.

 
 
III) Les couts d’un pourvoi en cassation:
Les coûts (après vérification faite auprès de plusieurs avocats spécialisés pour la cassation, ici: http://www.ordre-avocats-cassation.fr/ ) sont de l’ordre de 3500 à 4000 € HT pour un pourvoi en matière familiale, ce qui n’est guère plus cher qu’un simple avocat basique (et non obligatoire sauf divorce) pour une audience JAF à Paris. Ces honoraires sont fixés librement, donc négociables. Et il est bien plus important et porteur d’investir pour un avocat spécialisé au conseil dans un pourvoi en cassation, que pour un avocat « de base » qui va plaider devant le JAF pour un résultat qui, quel que soit le talent de cet avocat, dépendra dans une large mesure de la pratique personnelle du JAF.
 
 

Conclusion:

On rappelera en conclusion ce que disait Michelle Gobert, Professeur émérite de l’Université Paris II, Panthéon-Assas au sujet de la notion d’intérêt de l’enfant et de l’interprétation de cette notion par les Juges:

« Le droit de la famille dans la jurisprudence de la Cour de cassation » Par Michelle Gobert, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris II)     LIRE CET ARTICLE CLIQUER ICI ( Colloques de la Cour de cassation 2006 > Cycle Droit et technique de cassation 2005-2006 Neuvième conférence Le droit de la famille dans la jurisprudence de la Cour de cassation 11 décembre 2006 > Intervention de Mme Gobert)

 » … En 1971, j’avais écrit que l’on devait se référer à l’intérêt de l’enfant avec prudence, tant cette notion, parfaitement fuyante est propre à favoriser l’arbitraire judiciaire. Aujourd’hui, il s’agit d’une réflexion sur la notion elle-même et c’est sans doute parce que celle-ci est difficile à cerner que la première chambre civile est revenue sur sa jurisprudence antérieure en décidant, par un arrêt de rejet et un arrêt de cassation en date du 18 mai 2005, l’application directe en droit interne de la Convention internationale des droits de l’enfant…

Lorsque les textes français font état de l’intérêt de l’enfant, ne serait-ce donc pas le meilleur ? On ne peut pas ne pas reprendre ici ce qu’en disait le doyen Carbonnier: « C’est une notion clé qui a fait l’objet d’utiles analyses doctrinales (citant plusieurs thèses) et d’une remarquable recherche de psychosociologie (faisant allusion à une étude d’I. Théry, in Du divorce et des enfants). Conclusion (que j’ai depuis longtemps beaucoup appréciée) : la clé ouvre sur un terrain vague. La notion est insaisissable ». L’intérêt supérieur de l’enfant, s’il doit donc ajouter quelque chose, c’est de fournir une clé qui ouvre sur un terrain…encore plus vague. L’intérêt de l’enfant me fait irrésistiblement penser à cette géniale définition du chandail par un humoriste : le vêtement que l’enfant porte lorsque sa mère a froid. …L’intérêt de l’enfant est donc celui que détermine le juge, le plus objectivement possible, au vu des éléments qui lui sont soumis (quelquefois trompeurs par rapport à la psychologie de l’enfant), alors, en réalité, que c’est la personnalité du juge (et c’est totalement différent) qui est là dans ce genre de dossier, beaucoup plus que dans les autres, personnalité qui se détermine telle qu’elle s’est elle-même constituée depuis sa naissance, c’est-à-dire en rapport avec sa propre enfance. Il ne saurait en être autrement. C’est pourquoi la remarque est neutre, elle relève d’une constatation, assez élémentaire, dont il faut seulement prendre conscience… »


–> Concrètement, cela traduit bien qu’en matière familiale, les décisions JAF ne sont pas « cadrées », ce qui donne l’impression de flou et d’aléa total dans les décisions rendues. Et là, pour y remédier, seule la Cour de cassation pourra – si elle est saisie – encadrer les pratiques des JAFS et Cours d’appel, en faisant respecter les textes de loi existant en la matière.

UNE seule décision de cassation favorable, fera avancer votre propre dossier, et servira aussi à des MILLIERS de parents qui pourront citer cette jurisprudence dans leurs propres cas. L’enjeu me semble bien en valoir la peine…